La danse des corps, une pédagogie de la perception au service de la relation
Introduction
dit et montré Thomas Berry Brazelton entre autres, est un participant actif à l’écoute permanente
de tous les messages perceptifs. Adultes, nous nous sommes souvent éloignés de cette capacité
d’écoute perceptive. C’est cette compétence sensorielle que nous nous proposons de réveiller.
Comment prendre conscience de notre état intérieur, notre tonus, notre tonalité, notre texture,
nos perceptions pour faire de notre corps un allié et communiquer à partir de notre réalité
corporelle ?
Comment prendre en compte le bébé dans tout son être à partir d’une écoute perceptive et nous
adapter à son langage corporel dans une relation incarnée et sensible ?
Comment explorer à travers l’introspection, le mouvement (gymnastique sensorielle) et le
toucher de relation, un nouveau rapport à notre vécu corporel. Un vécu corporel riche de
nuances nouvelles, la perception comme support de l’écoute et une attention éveillée replaçant
notre corps au centre de la relation et à la source de notre activité cognitive.
La Pédagogie Perceptive® fait le projet d’habiter notre corps pour habiter l’instant présent. Et
ainsi permettre de décrire les contenus du vécu émergeant de l’expérience corporelle sensible
et en tirer du sens (lenteur, intériorité, mouvement sensoriel).
L’attention est mobilisée et orientée vers les perceptions du corps: appui, posture, contact,
chaleur, espace, relâchements, mouvement de la matière du corps… (mais aussi tensions,
douleurs, inconforts…), le verbe précise le vécu. La pensée se met au service de la sensorialité
et réciproquement.
L’application de cette pédagogie, subtile et rigoureuse, pendant la grossesse, la naissance et le
post partum participe au cheminement parental, à l’engagement de leur présence de manière
sensible et bienveillante, en apprenant de tout et en permanence.
Nous avons choisi de laisser les parents en témoigner.
Témoignages
* Témoignage d’Amélia 21 ans, gymnastique sensorielle effectuée en position assise sur chaise à 25 semaines d’aménorrhée :
« Je me sens apaisée, dans mon corps, je le sens au niveau de ma respiration, de mes muscles; je me sens plus souple plus apaisée, là je ne perçois pas juste ses mouvements (parlant de son bébé fille) je perçois tout le ventre jusqu’au dos c’est quelque chose de global, alors qu’avant c’était juste des mouvements. Même si la relation commence à se faire, là je ne ressens pas juste elle, mais son environnement à elle, aussi. Je suis plus à l’écoute, plus attentionnée, pas juste au niveau de ses mouvements, mais de son univers à elle à l’intérieur, c’est vraiment plus qu’elle : on prend tout ce qu’il y a autour, tout son petit monde à elle… ça change quelque chose dans son écoute à elle, la mienne, ça va m’aider à m’écouter plus moi et elle aussi : je pense pour comprendre nos besoins à chacune. »
* Témoignage de Sylvain :
« Je me sens prêt à accueillir ce bébé, je me sens plus serein, j’ai moins d’appréhension, je pense que j’arrive à visualiser ce que va être l’accouchement, mais aussi à le ressentir au plus profond de façon un petit peu innée, intuitive. Je sentais de l’appréhension dans le sacrum, quelque chose de… oui le sacrum, les épaules aussi. C’est marrant comme s’il y avait un poids mais là quelque chose se relâche. Je me dis qu’on ne peut pas tout contrôler mais en même temps on peut accueillir. On peut être à l’écoute, ça désacralise quelque chose, ça me met plus au contact. Et ça enlève une partie de stress aussi. Je sens moins de nervosité, plus de confiance en fait. Un état général qui est plus détendu, il y a pas d’appréhension, moins d’angoisse, il y a moins de colère un peu. Oui plus de confiance, prêt, je me sens prêt tout simplement. J’ai un rôle à jouer, alors que jusqu’à présent j’avais plus l’image du père qui était derrière, qui espérait que tout se passe bien, qui participait moins alors que là je peux apporter ma pierre à l’édifice ».
* Témoignage d’Anna et Sylvain 8ème mois de grossesse, suite à une gestuelle à deux :
Anna : « Moi, je pense qu’on peut être plus ensemble pendant l’accouchement c’est-à-dire
comme Sylvain a dit ce n’est pas le père qui attend à côté et la femme qui souffre, c’est le travail des deux en fait. On a fait ce bébé à deux et c’est bien de l’accueillir à deux aussi, ça aide effectivement, je pense que ça va m’aider beaucoup. Je n’imagine pas accoucher sans toi (s’adressant au père du bébé), que tu ailles quelque part, que tu ne m’aides pas, que tu ne participes pas même physiquement, même des petits gestes, tenir la main, d’appuyer effectivement, de contrôler un peu mieux ma respiration si je n’arrive pas parce que la douleur est trop forte, et je pense que tu peux m’aider beaucoup pendant cet accouchement».
Sylvain : « On est prêts je crois, on est prêts à accueillir ce bébé, on est prêts à l’accueillir dans de bonnes conditions comme on l’espérait quelque part à deux, et vraiment c’est l’accueillir avec beaucoup moins d’appréhension, moins de peur; parce que c’est vrai qu’un accouchement on dit que c’est beau, mais du côté du père il y a beaucoup d’angoisse et là du coup ce travail me permet justement de voir effectivement les mouvements, comment ça se passe, comment tu ouvres pour lui permettre de venir au monde, comment moi je peux aider; c’est un travail à trois qu’on a effectué tout simplement. Et c’est un travail qui est important parce qu’on le néglige souvent, on se dit, bon ça va se passer, le père souvent on dit tu es père à la naissance du petit et là je dis non, là je suis déjà père, je suis déjà père je suis acteur de ça ».
* Témoignage d’Emmanuelle, 33 semaines d’aménorrhée, suite à une séance d’éveil perceptif allongée :
« Je vais commencer par dire que je suis très émue de ce que je viens de ressentir parce que je ne l’avais pas encore ressenti jusqu’à présent. J’ai vraiment eu une sensation de symbiose et d’harmonie entre les mouvements du corps du bébé et le mien, une fluidité qui m’a paru évidente et qui m’a amené à comprendre qu’il n’y a pas de contrôle à avoir en fait et que c’était plus à moi de suivre ce qu’il se passe, d’être vraiment juste dans ce ressenti qui m’as permis de me connecter d’une nouvelle façon à ce bébé qui est à l’intérieur de moi et qui bouge. C’est très intéressant comme approche, ça m’a fait voir les choses différemment, comment je vais pouvoir vivre cet accouchement, de me laisser tout simplement aller à suivre ce qu’il se passe à l’intérieur.»
* Témoignage d’Emmanuelle suite à un travail perceptif en mouvement :
« C’est fort encore comme ressenti, j’ai trouvé ça plus tonique pour moi en tout cas dans ce que j’avais à faire. C’était intéressant parce qu’il y avait une part active tout en étant dans le suivi de ce qu’il se passe toujours. Mais j’ai senti plus de tonicité sollicitée en tout cas au niveau du bassin, des hanches et du coup des cuisses, c’est le point d’appui principal avec les pieds et du coup ça m’a donné un ancrage, je me suis sentie ancrée dans la fluidité, dans le mouvement. Mais moi vraiment bien posée et prête à accompagner ces mouvements là en étant vraiment présente à ce que je fais. Vraiment une conscience corporelle vraiment forte, d’accompagnement vers le haut vers le bas. J’ai vraiment senti mon corps en action dans cet accompagnement en fait, quelque chose de plus épais, de plus posé, de plus là en fait. Ça me donne confiance dans mon corps en fait. C’est au niveau du ressenti, c’est vraiment au niveau sensoriel, j’ai l’impression d’avoir expérimenté sa présence d’une façon complétement nouvelle. Jusqu’à présent ressentir ses mouvements c’est une chose, l’imaginer c’est encore autre chose; là, j’ai l’impression qu’on a dansé ensemble. C’était comme si de l’intérieur je pouvais sentir son corps bouger avec le mien et le mien avec le sien. »
* Témoignage d’Emmanuelle en post partum, j7
« Ce qui me vient d’abord déjà pour expliquer tout ça, c’est que j’avais l’impression pendant la grossesse, d’ouvrir en moi un nouvel espace, une nouvelle capacité à ressentir les choses. Prendre le temps de vraiment me détendre, quand il n’y avait pas de contractions et de pouvoir les accompagner correctement. Pour moi ça été ça, ça a été vraiment la possibilité de retourner dans cet espace, dans cette sensorialité, dans cette connexion à l’intérieur de moi-même, avec mes tissus, avec tout ce ressenti physique. Ça m’a permis de continuer à être dans cette sorte de danse que j’avais ressenti quand on avait fait la préparation à l’accouchement…. Vraiment d’avoir pu ressentir étape par étape, tout le passage du bébé et laisser le corps faire ce qu’il a à faire. C’était une subtile combinaison d’abandon et de présence en fait, de quelque chose de vraiment être là et en même temps quelque part on n’a rien à faire. Et c’est ça que j’ai trouvé génial, c’est d’expérimenter ça de cette manière-là, de continuer cette danse Et aujourd’hui même d’ailleurs j’ai eu vraiment une compréhension d’accompagnement, de continuer à accompagner le bébé dans une sorte de danse parce que j’ai encore ce ressenti de danse, d’être dans quelque chose, dans une mouvance, dans quelque chose de liquide, d’être dans cette sensorialité pleinement. Et je suis contente de pouvoir la vivre depuis la grossesse, d’avoir pu la vivre pendant l’accouchement et d’y être encore finalement dans cette sensorialité. J’ai l’impression que c’est une façon douce, avec le temps, en lenteur, de dire au revoir à cet état là mais de garder de ça vraiment une sensation plus qu’une émotion, ça s’ajoute dans mon corps…. Dans la sensorialité, c’est en continuité, l’aspect corps, l’aspect physique, je l’ai vécu pleinement et ça j’en suis fière. Je suis contente d’avoir pu expérimenter, d’avoir fait confiance à mon corps, en fait. Et puis on y était, c’était maintenant qu’il fallait y être, c’était pas le lendemain ou 5 minutes avant ou 5 minutes après, c’était maintenant qu’il fallait être là, présente à ce que mon corps était en train de me faire vivre et de le vivre pleinement et de ressentir le bébé sortir…. Sa corporalité à lui me semble plus extérieure ça y est, on est vraiment deux individus séparés physiquement tout en ayant quelque chose de je ne sais pas de quel ordre c’est, c’est autre chose je crois que juste l’émotion, c’est vraiment viscéral….ce concept du continuum qui fait qu’on reste en peau à peau très souvent, très collés l’un à l’autre, il y a encore quelque chose, une sorte de symbiose, même dans la respiration, dans la présence de son corps et je sens oui maintenant son individualité à lui. Voilà, la danse peut continuer à s’effectuer »
Céline Bonnet et Marielle Buravand Jaën
Marielle Buravand Jaën et Céline Bonnet
Sages-femmes, DU Pédagogie Perceptive® spécificité Gymnastique Sensorielle Périnatale
Cet article propose un éventail de témoignages de futurs parents, accompagnés en Gymnastique Sensorielle Périnatale, champ d’application de la Pédagogie Perceptive dans la préparation à la naissance. Mamans et papas en devenir mettent leurs propres mots sur les bénéfices vécus en matière de bien-être, de qualité de présence à soi et au foetus, d’accordage de la relation dans le couple parental, et de préparation à l’accueil de l’enfant à naître.
Sources
Centre d’étude et de recherche appliquée en psychopédagogie perceptive cerap.org
Martine De Nardi 2010 La gymnastique sensorielle périnatale, pour une relation Sensible avec votre bébé dès la grossesse Ed. Souffle d’Or
Bois Danis 2001 Le sensible et le mouvement. Ed Point d’Appui. Paris
Agnès Noël La gymnastique sensorielle Un nouveau regard sur le mouvement Ed. Point d’Appui
Eve Berger Le mouvement dans tous ses états Ed. Point d’Appui
Nathalie Brücher/ Marie Claire Busnel 2011 Nommer ce langage indicible, quand le bébé parle depuis le ventre de sa mère Ed. HD
Informations de publication
Buravand Jaën Marielle 2018 De L’éveil des sens à la présence corporelle : article in Science Psy Avril 2018 Université de Toulon
La date
Article paru suite au Congrès 2018 de l’ ARIP (Association pour la Recherche et l'(In)formation en Périnatalité) à Avignon.